lundi 18 juillet 2011

Les truquages dans Jude : l'effet et gestes

Effets spéciaux : attention marche glissante ! Tourner un film d’aventure -amateur mais d’aventure quand même- teinté de fantastique, demande à un moment de se pencher sur les effets (SFX, dans le « milieu ». Et Le Gang des ténèbres n’échappe à la règle.

Penser qu’à l’heure du tout numérique, du Web, cette partie reste de la rigolade est une erreur. Beaucoup de films amateurs en ont pâti. Comme pour la musique, la réalisation, le ton de l’histoire, etc., mieux vaut savoir vers quels types d’effets on veut aller pour lier au mieux le fond et la forme. « The best of the best visual FX as possible » n’est pas forcément la bonne solution. En amateur mais aussi dans le monde pro.

Un exemple ? Dans La Vie aquatique, Wes Anderson choisit ne pas recourir à l’image de synthèse mais à l’animation image par image traditionnelle pour les poissons et autres monstre marins qui peuplent son film. Visuellement, ça colle beaucoup plus à l’esprit qu’il a voulu insuffler à ce petit chef d’œuvre. En France, Michel Gondry choisit toujours la technologie la plus en rapport avec le monde qu’il décrit que ce soit les effets optiques dans Eternel sunshine… ou Be kind, rewind. A contrario, un mauvais choix se ressent tout de suite. Beaucoup de spectateurs n’ont ainsi vu qu’une vaste tartine numérique dans la nouvelle trilogie Star Wars, à tort et à raison. Enfin, comme l’a notamment prouvé Jeunet, truquer une image n’équivaut pas seulement à arrêter deux profs d’arts martiaux à 1 000 m de hauteur propulsés par le souffle d’une explosion atomique… Cela permet aussi d’apporter une touche d’ambiance.

Ceci étant dit, il y a moyen de griller quelques paquets de cigarettes à se triturer les neurones sur « Et pour notre film, on fait quoi ? » Pour Le Gang des ténèbres, dès l’écriture, le parti a été de recourir le moins possible aux effets numériques et d’en appeler aux effets optiques (réalisés sur place). Déjà pour une question de budget. On a beau dire mais n’est pas Industrial light & magic qui veut. Faire du fond bleu, du fond vert, c’est bien beau mais encore faut-il le maîtriser. Personnellement, j’y crois très peu en amateur. C’est souvent moche. Pas par manque de talents, de compétences, etc. Mais parce que jouer à Superman, ça demande beaucoup plus que pendre un drap vert fluo de grand-mère. Eclairage diffusé, éclairage pour déboucher, bon choix de focales… Mieux vaut s’armer de patience. Certains arrivent tout de même à des résultats surprenants dans leur garage, comme cet impayable Gremlins 3, mais ce n’est pas la majorité.


On critique, on critique… Mais nous ? Comme on fait un film des années 30, on s’est dit « pourquoi ne pas reprendre au maximum les techniques d’alors ? ». Petit à petit, le parti pris est devenu le suivant : essayer de faire du « sonne faux » mais qui rend bien… ou, disons, pas trop mal (ne nous avançons pas).

L’histoire du cinéma reste une mine d’or pour qui cherche des idées. Rotoscoping, « cache contre cache »… Les « anciens » ont tout un arsenal à nous proposer. Un arsenal qui, à leur époque, nécessitait des montagnes de temps pour fonctionner et qui apparaît désormais à notre portée grâce aux outils modernes.

Prenez la séquence en avion que nous avons tournée samedi 16 juillet. Pour celle-ci, notamment, nous avons utilisé la technique du fond projeté. La veille, nous sommes partis filmer le ciel à bord d’une voiture (attention : munissez-vous d’un copilote. Filmer ou conduire, faut choisir). Le lendemain, nous l’avons projeté derrière les acteurs, sur un écran, via un vidéoprojecteur. Après deux, trois réglages, résultat garanti. En particulier si vous ajoutez une machine à fumée, une grosse lampe halogène bien secouée et un « remuage » de l’avion.
 
Une fois le tournage terminé, les trois quarts du travail sont faits. Pas besoin d’en rajouter numériquement des caisses. Mais ce n’est pas vrai pour tout.

Dans cette même scène d’avion, nous allons par exemple avoir recours à la vieille technique du cache contre cache pour plusieurs plans. C’est simple : elle consiste à superposer deux pellicules dont certaines parties auront été découpées ou cachées pour créer un effet (exemple : un verre porté par l’homme invisible. L’homme ayant été caché par un autre plan). Dans le concret, il faut y aller petit à petit et s’armer de patience. Ce n'est pas forcément compliqué mais c'est long. Pas facile à comprendre dans un texte, non ? Petite illustration en 6 étapes.

1. La prise de vue




Vous tournez un avion en plan large avec le plus de lumière possible pour bien identifier les contours de l’appareil.





2. Le cache
Sur un logiciel spécialisé, vous « découpez » tout l’avion. L’idée est de créer un cache de l’appareil que l’on peut superposer à n’importe quel plan… Et oui… cela peut prendre du temps (ici, c’est fait à l’arrache pour les besoins d’un test).



3. Le contre cache
Plus simple, déjà, vous mettez « derrière » votre avion découpé, une vidéo de ciel. En mouvement, ça rend déjà pas mal. Mais il reste du chemin. On va notamment ajouter un effet de tremblement pour simuler la prise de vue en vol (mais ça ne se voit pas en photo).


4. Densifier



Pour que cela « sonne faux » mais pas trop mal, on ajoute des nuages, filmés et traités à part. Un nouveau cache, si vous préférez.



 




5. Homogénéiser


On a encore trop conscience des différents plans, des différents caches. Pour lier le tout, il nous faut deux choses : un ciel gris, intermédiaire entre le ciel blanc et l’avion, qui donne de la matière, et, surtout, de la lumière qui interagisse avec tous les éléments pour ne faire qu’un (pas bien fait du tout ici).


6. Traiter



Bien sûr, on n’oublie pas de passer le résultat final en noir et blanc et de refaire quelques réglages histoire d’avoir un plan prêt à être monté, recoupé, puis re étalonné.




Les images ci-dessus, ce n’est qu’un test, mais voilà grosso modo, une démarche qui n’a pas vraiment bougé depuis quasiment un siècle. Marrant non ? Au final, reste surtout à croiser les doigts pour ne pas que nos effets spéciaux deviennent plus une tare qu’autre chose. Le propriétaire de l’avion nous disait : « C’est du kitch classe en fait que vous voulez faire ? » En espérant qu’on gardera le mot « classe » jusqu'au jour de la sortie…

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